Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine, accusée de commettre un génocide dans les régions de Donetsk et de Lougansk, dans le Donbass. Si les dirigeants européens affichent leur soutien à Volodymyr Zelensky, des médias pro-russes diffusent, quant à eux, la voix de Poutine et de son armée. Presqu’un an plus tard, que sont devenus ces médias pro-russes en France ?
Des journalistes français « propagandistes », qui travaillent « tous du côté de Kiev » ? C’est en tout cas ce que soutient Charles d’Anjou, le directeur d’Omerta, média pro-russe lancé à la fin de l’année 2022. En France, comme dans une grande partie de l’Union européenne, l’opinion publique semble s’être rangée derrière la bannière ukrainienne. Pourtant, les médias pro-russes, à l’instar de la chaîne RT France et du site Sputnik, s’étaient forgé une place de choix dans le paysage médiatique français, à la faveur de la crise des gilets jaunes à partir de 2019. Le 23 février 2022, le site Sputnik accueillait encore huit millions de visites mensuelles, celui de RT France, quatre millions.
Dès le début de l’invasion, une interdiction de diffusion pour les médias pro-russes dans l’Union européenne
Le 27 février 2022, quatre jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, annonce sur Twitter l’interdiction de diffusion de deux médias d’États russes : Sputnik, d’une part et Russia Today (RT), d’autre part. Elle souhaite « développer des outils permettant de bannir leur désinformation toxique et nocive en Europe ». Quelques jours plus tard, le 1er mars, Thierry Breton, commissaire européen en charge de l’audiovisuel, soutient qu’« il n’y a pas de place pour la propagande de guerre russe dans notre espace informationnel ». Désormais, les deux médias sont totalement exclus de l’ensemble des supports de diffusion européens (télévision, le satellite, le streaming, les applications, l’IPTV et les fournisseurs d’accès à Internet). Une décision inédite.
Le problème ? Ces deux médias reprenaient les éléments de langage de Poutine pour expliquer le conflit. Ainsi, les unités russes en Ukraine ne sont que des militaires déployés « pour sécuriser ces laboratoires d’armes biologiques ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky ? « Un comédien nazi menteur. » Les Ukrainiens ? « Des psychopathes. »
Le 7 décembre 2022, l’Union européenne a annoncé vouloir suspendre la diffusion de quatre nouvelles chaînes de télévision russes diffusées en Europe, elles aussi accusées de faire la propagande du régime poutinien.
La propagande pro-russe tente de résister
Mais la Russie continue de chercher des relais européens dans sa guerre de l’information. Si les sanctions européennes ont considérablement réduit l’audience et le rythme de publication de ces deux médias, ils continuent malgré tout à être diffusés. Russia Today a longtemps continué d’émettre en France et de rependre ses informations pro-russes. Dans les faits, si le média a bien été bloqué par l’Union européenne, aucune interdiction de production n’a été décidée. Ainsi, RT France continue d’opérer dans les mêmes locaux de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Et ses programmes, censés ne pas être accessibles dans l’UE, le sont facilement via un simple VPN, outil qui sert notamment à modifier la géolocalisation d’un internaute. Avec un peu de débrouillardise, les habitués de RT peuvent donc continuer à regarder leurs programmes favoris.
D’autant plus que RT France et Sputnik ne sont plus les seuls médias prorusses à répandre la propagande russe sur les territoires français et européens. Le 16 mars 2022, Le Monde publie une première liste des médias pro-russes qui demeurent en France : selon le journal, un « ilot pro-russe subsiste dans certains supports ou émissions très à droite ».
Omerta est le dernier-né des médias de ce genre. Lancé par le reporter Régis Le Sommier, notamment passé par Paris Match et RT France, Omerta produit des articles, des vidéos et des documentaires sur des sujets français et internationaux. Le discours n’est pas frontalement pro-russe, mais les journalistes mettent en avant, avant tout, le point de vue de Poutine et de ses hommes. Ainsi, en novembre 2022, quand la ville de Kherson, au sud de l’Ukraine, est privée d’électricité après des frappes dont Russes et Ukrainiens se renvoient la responsabilité, Omerta attribue franchement la responsabilité de l’attaque aux seconds, sur la foi des informations des premiers. Quant au documentaire Front russe : l’Ukraine de Poutine, il s’appuie sur les témoignages de soldats russes formatés par la propagande poutinienne. Le site n’accueille pour l’instant que 100 000 visiteurs mensuels, mais est déjà une large caisse de résonnance dans le milieu.
RT France a finalement définitivement fermé le 23 janvier dernier à la suite du gel de ses comptes. La Russie a annoncé vouloir répliquer : « Elles resteront dans les mémoires si les autorités françaises ne cessent pas de terroriser les journalistes russes », a déclaré une source au sein du corps diplomatique russe, citée par les agences de presse RIA Novosti et TASS en Russie.