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Editis-Hachette : Bolloré dévore le livre

Cet événement est vu comme un séisme pour le monde de l’édition : Editis, numéro 2 Français du secteur, contrôlé par l’homme d’affaires Vincent Bolloré à travers Vivendi (Groupe Canal+, Universal Music Group, Havas), est en passe de mettre la main sur le groupe d’édition Hachette, le leader français détenu par le groupe Lagardère (Europe 1, Paris Match, le JDD). Les méthodes de Vincent Bolloré sont loin de rassurer ce monde déjà mis à rude épreuve. Les auteurs n’ont qu’une crainte, la disparition de sa « pluralité éditoriale ».

Ce lundi 21 février, Vincent Bolloré – même s’il devait prendre sa retraite le 17 février dernier – a donné le coup d’envoi de l’offre publique d’achat (OPA) de Vivendi sur le groupe Lagardère, maison-mère de Hachette. Le groupe Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré, détient déjà près de 45% de Lagardère. 

Bolloré sème la panique sur l’édition

Si Editis ne vous dit rien, les dictionnaires Le Robert, les manuels scolaires Nathan ou encore les éditions Plon vous sont sûrement familiers. De l’autre, les dictionnaires Larousse, les éditions Fayard ou encore Stock symbolisent la galaxie Hachette. Pour bien comprendre, il s’agit non pas d’Editis qui acquiert Hachette, mais bien le clan breton Bolloré, via le groupe Vivendi, maison-mère d’Editis.

Un « mastodonte qui risquerait de mettre en péril la biodiversité littéraire »

Selon les auteurs d’une tribune parue dans le journal Le Monde

Cette fusion entre Hachette et Editis, prévue par l’homme d’affaires breton Vincent Bolloré, créerait un « mastodonte » de l’édition. Dix auteurs, tels que Irène Frain et Christophe Hardy, appellent à la mobilisation dans une tribune contre celui-ci, qui risquerait de mettre « en péril la biodiversité littéraire ». Les autorités de la concurrence et la Commission européenne ne resteront pas inertes face à cette fusion. Le rapprochement nécessitera, au moins, d’importantes cessions d’actifs, c’est-à-dire de vente de certaines filiales, de maisons d’éditions pour ne pas créer de monopoles, sur le marché du roman ou de la jeunesse par exemple. Pour les auteurs de cette tribune, cette concentration dans le monde de l’édition « menace la liberté de création et d’expression ».

Infographie Vivendi-Lagardère — © Kévin Belbéoc’h pour Soixante Pour Cent

Pour comprendre les enjeux et dessous de l’opération, il faut prendre un peu recul et revenir dans le passé. La maison d’édition Hachette est détenue par le groupe Lagardère, fondé en 1992 par l’homme d’affaires et capitaine d’industrie Jean-Luc Lagardère. Ingénieur ayant débuté chez Matra, il avait réussi à bâtir un empire à échelle internationale, spécialisé dans neuf secteurs allant de la défense (lanceurs Ariane et missiles notamment) aux manuels scolaires en passant par l’automobile, les transports (métro de Lille notamment), les télécommunications, les médias et les livres. Avant sa mort, le chiffre d’affaires grimpait à 12,4 milliards d’euros – soit 80 milliards de francs à l’époque. Depuis, le groupe a été repris par son fils, Arnaud Lagardère, accusé par certains d’avoir liquidé l’empire de son père.

Après Canal+ et iTélé, une mise au pas de Hachette ?

« Un conflit sans précédent depuis 1968 » titrait le journal Le Monde en 2016. La grève des journalistes d’iTélé avait été déclenchée par l’arrivée de Jean-Marc Morandini sur la chaîne, imposée par la direction du groupe Canal+ et son nouvel actionnaire Vincent Bolloré. En 2016, Jean-Marc Morandini était pourtant visé par deux enquêtes pour « corruption de mineurs aggravée ». Cette grève, qui symbolise la contestation face aux pratiques managériales de Vincent Bolloré, fut la plus longue de l’histoire de l’audiovisuel privé en France. Pour l’historien spécialiste des médias et ancien membre du comité d’éthique d’iTélé Patrick Eveno, cette grève était « la conséquence de la gestion de Vincent Bolloré ».

« La tradition démocratique est aujourd’hui menacée »

Extrait de l’appel du collectif #StopBolloré

Depuis l’annonce il y a six mois de la volonté de Vivendi de prendre le contrôle total du groupe Lagardère, le monde de l’édition se mobilise, comme les journalistes d’iTélé il y a six ans, pour dénoncer les méthodes de l’homme d’affaires tant redouté. Vincent Bolloré imprimera-t-il sa marque dans l’édition, de la même manière qu’il l’a fait sur le groupe Canal+ et iTélé ? Pour le collectif Stop Bolloré, initié il y a quelques semaines « la tradition démocratique est aujourd’hui menacée » et dénoncent une « concentration de médias est sans précédent dans notre histoire ». Ils redoutent ainsi une la possession par Vincent Bolloré et Vivendi de « plus de 70% des livres scolaires » et d’une « centaine de maisons d’édition, avec un quasi-monopole sur la distribution des livres. » En octobre 2021, l’ONG Reporters sans frontières a publié un documentaire dénonçant les méthodes de Vincent Bolloré dans les médias et le danger qu’il représenterait pour la démocratie et le journalisme.

Kévin Belbéoc'h-Dumarcet
Kévin Belbéoc'h-Dumarcet
Co-fondateur de l'association Soixante Pour Cent et rédacteur. Diplômé du CFJ (promotion 77e L/G, 2024), passé par le Master 1 (maîtrise) en Histoire et journalisme de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'université catholique de Lille, ainsi que diplômé de l'École W, « petite sœur » du CFJ et composante de l'université Paris-Panthéon-Assas.

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