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De Hollande à Macron : d’une addiction au désamour de la presse

Lors de l’élection d’Emmanuel Macron, les médias déchantent, alors coutumiers d’une présidence bavarde, très bavarde de François Hollande, qui n’a cessé en cinq ans de s’adresser aux médias. Une relation tumultueuse s’installe aussitôt avec la nouvelle présidence.

Miné par une impopularité sans précédent, le bilan médiatique à la fin du quinquennat de François Hollande est particulièrement dense. Selon la direction de l’information légale et administrative (DILA), il aura ainsi donné quinze interviews présidentielles à la presse nationale, cinq interviews à des médias étrangers, six conférences de presse, cinq vœux présidentiels, cinq allocutions événementielles, sans compter les cinq traditionnels entretiens présidentiels du 14 juillet. Quant à l’équipe d’Emmanuel Macron, celle-ci limite ses échanges avec les médias, écarte de la presse ses ministres fraîchement nommés et sélectionne même les journalistes qui suivront le nouveau président, alors présenté comme l’homme d’un « nouveau monde » qui doit remplacer les anciennes pratiques. Huit mois après son élection, Emmanuel Macron plaide pour une « saine distance » entre le pouvoir et les médias, critiquant une certaine « proximité » qui nuirait selon lui à l’action publique.

« Une forte dépendance à la presse »

« Hollande et les journalistes : une addiction à la presse qui ne peut pas se guérir », titrait dans Marianne la journaliste Soazig Quéméner en 2016. Elle évoque également une « cascade de livres » publiés par les journalistes, remplis de confidences de l’ancien chef de l’État qui confirmerait « une forte dépendance à la presse » de la part de François Hollande. Pour l’historien des médias Alexis Lévrier, le président Hollande et le candidat Macron n’étaient pas en accord sur la relation qu’un président de la Ve République doit adopter avec la presse. « Moi je ne ferai pas des journalistes mes confesseurs, je ne leur ferai pas visiter les coulisses ni les cuisines » affirmait Emmanuel Macron lors de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2017 à la presse régionale. Le président Hollande, alors en exercice, livrait « une tout autre analyse » selon l’historien. L’ancien président affirmait quelques mois plus tôt que « l’époque de la parole rare et jupitérienne » était définitivement révolue et que le chef de l’État était devenu « un émetteur comme les autres ». Celui alors nommé « Jupiter » avant même son arrivée à l’Élysée avait également assuré que « la figure du roi » avait creusé un vide que la France n’avait pas su combler. 

Sous Hollande, les conférences de presse étaient monnaie courante. Si bien que le Journal du Dimanche (JDD) avait fini par titrer en octobre 2016 « Hollande a-t-il oublié sa conférence de presse ? », rappelant que le président de la République avait promis une conférence de presse tous les six mois. Doit-on y voir une manière d’éclipser certains événements médiatiques liés à la vie personnelle du président ? Début 2014, une grande partie de l’espace médiatique avait été consacrée à sa vie privée, si bien que les questions lors de la conférence de presse de janvier, dédiée à son « pacte de responsabilité », portaient essentiellement sur sa rupture avec Valérie Trierweiler. Huit mois plus tard, en septembre 2014, il assure une nouvelle conférence de presse, deux semaines après la sortie du livre de son ancienne compagne, parasitant de nouveau son intervention.

« Il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes »

Extrait d’une tribune d’une vingtaine de sociétés de journalistes, 18 mai 2017.

Celui dont on pressentait une « surexposition » à la presse après un véritable phénomène médiatique à la suite de sa démission du gouvernement, le président Macron s’attire les foudres d’une vingtaine de sociétés de journalistes à l’occasion de son premier déplacement international. L’Élysée a alors décidé de privilégier des journalistes diplomatiques plutôt que politiques pour le suivi du chef de l’État au Mali en mai 2017. « Il n’appartient en aucun cas à l’Elysée de choisir ceux d’entre nous qui ont le droit ou non de couvrir un déplacement, quel qu’en soit le thème (défense, diplomatie, économie, éducation, social…). » affirment les sociétés de journalistes de l’AFP, du Figaro, de Libération ou encore du Monde et de Mediapart dans une tribune publiée le 18 mai 2017, soit 4 jours après son investiture et sobrement intitulée « Monsieur le Président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes ».

Kévin Belbéoc'h-Dumarcet
Kévin Belbéoc'h-Dumarcet
Co-fondateur de l'association Soixante Pour Cent et rédacteur. Diplômé du CFJ (promotion 77e L/G, 2024), passé par le Master 1 (maîtrise) en Histoire et journalisme de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'université catholique de Lille, ainsi que diplômé de l'École W, « petite sœur » du CFJ et composante de l'université Paris-Panthéon-Assas.

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