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Comment devenir journaliste de la grande presse ?

Les journalistes des grands journaux, tous enfants de cadres supérieurs et parisiens ? Libération a mené l’enquête au sein de sa propre rédaction pour savoir si ce cliché était vrai.

Un lecteur de Libé a posé une question à la rédaction. Les journalistes de Libération sont-ils issus des milieux les plus aisés ? Libé a pris les choses en main et a mené une enquête via des questionnaires anonymes pour répondre à cette question. Le cliché a été vérifié : sur ces 112 répondants, 81 journalistes ont au moins un parent qui appartient à une Catégorie Socio-Professionelle supérieure, c’est-à-dire un cadre . Ce pourcentage dans la population générale active de la France métropolitaine s’élève à 17,8% selon l’INSEE. Parmi ces 81 journalistes, 34 ont leurs deux parents qui sont cadres. 

journalistes avec un crayon en conférence de presse
Les journalistes de la grande presse viennent en majorité des CSP+. @The Climate Reality Project

Comment peut-on arriver à ce résultat ? Les candidats issus des milieux populaires sont-ils discriminés à l’embauche ? Pour Alexandra Schwartzbrod, directrice adjointe de la rédaction de Libération, cet entre-soi est le résultat de logiques économiques et non pas d’une élimination des profils de journalistes issus des milieux populaires au moment de l’embauche. Elle indique que « on a aujourd’hui une rédaction beaucoup plus resserrée qu’avant. On n’a pas le temps de former quelqu’un. On doit gérer un site, un journal papier, et le tout avec des effectifs beaucoup plus resserrés. On est obligés d’embaucher des gens opérationnels tout de suite». Or, ces personnes sont sélectionnées parmi les étudiants des écoles de journalisme reconnues, au nombre de 14 et accessibles uniquement sur concours. Cela se montre dans les chiffres. La majorité des journalistes de moins de 30 ans a fait une école de journalisme reconnue, au nombre de 17 sur les 24 répondants. 

Bourdieu l’avait déjà dit : l’école a tendance à légitimer les inégalités sociales plutôt qu’à les combattre. Si cette réalité sociale est vraie pour le système scolaire dans son ensemble, il l’est encore plus pour les grandes écoles, y compris les écoles de journalisme. C’est pour cela que pour Gilles Bastin, le recrutement des étudiants dans les écoles de journalisme reconnues se fait “selon des principes qui tiennent plus au capital social qu’à l’effort scolaire des étudiants”, ou communément appelé “mérite”.

Les jeunes gens brillants issus des milieux populaires et des campagnes ont beaucoup plus tendance à s’éliminer d’eux-mêmes de la compétition sociale. Un journaliste de Libération issu des milieux moins dotés en capitaux sociaux explique que « même si je fantasmais le métier de journaliste, je n’arrivais pas à concevoir que je pouvais l’être. Il y a une forme d’autocensure : tu ne t’imagines pas que ces métiers sont faits pour toi.»

Margaux Verdonckt
Margaux Verdonckt
Co-fondatrice, cheffe de rubrique "Écologie" et responsable de la communication de Soixante Pour Cent.

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