Le 8 octobre, le Comité Nobel norvégien n’a pas récompensé une personne, ni un groupe, mais deux journalistes : la philippino-américaine Maria Ressa et le russe Dmitri Mouratov. La raison ? Les récompenser de leur combat quotidien pour la défense de la liberté d’informer.
« Nous voulions illustrer ce que dédier sa vie à une tâche aussi importante signifie ; et mettre en valeur deux personnes qui ont été extraordinairement courageuses et qui représentent un journalisme professionnel de haute qualité ». Ces mots ce sont ceux de Berit Reiss-Andresen, présidente du Comité Nobel de la paix. Alors que les « favoris » de cette année étaient plutôt l’organisation Reporters sans frontières ou le Comité pour la protection des journalistes, c’est la première fois, en 120 ans, que des journalistes sont récompensés.
Une figure aux Philippines
Agée de 58 ans, Maria Ressa a une carrière riche. Née aux Philippines, elle émigre à 10 ans aux Etats-Unis, ce qui lui donne aujourd’hui la double nationalité. Dès 1986, elle retourne à Manille en tant que correspondante de CNN, puis, dès 1995, elle devient cette fois-ci correspondante à Jakarta. C’est en 2012 que sa carrière prend un tournant : elle décide de créer son propre média d’investigation avec trois autres femmes, « Rappler ».
Son angle d’attaque principal ? Le régime philippin de Rodrigo Duterte. Maria Ressa n’a cessé de dénoncer les dérives du régime : reportages sur les meurtres commis lors de campagnes policières contre la drogue, enquêtes sur la manière dont des trolls, fakes news et faux comptes ont favorisé l’accession au pouvoir de Rodrigo Duterte… Malgré les menaces, Maria Ressa continue de dénoncer. Depuis 2018, elle fait l’objet de dix mises en accusation (cyberdiffamation, évasion fiscale…). Sept sont en cours d’instruction. Mais malgré tout cela, Maria ne s’arrête pas.
Un prix pour tous les journalistes
« C’est vraiment [ce prix] pour tous les journalistes du monde entier » a déclaré la journaliste à l’AFP. Elle poursuit : « cela montre que le Comité Nobel a réalisé qu’un monde sans faits, signifie un monde sans vérité, sans confiance, et si vous n’avez aucune de ces choses, vous ne pouvez pas vaincre le coronavirus ou le changement climatique ».
Et il est vrai que la liberté d’expression est loin d’être acquise. Selon le dernier classement annuel de Reporters sans frontières, « la situation de la liberté de la presse est problématique, difficile, voire très grave dans près de trois-quarts (73%) des 180 pays évalués, et bonne ou satisfaisante dans seulement 27% ».
Maria Ressa a appris la bonne nouvelle lors d’un forum en visioconférence avec d’autres journalistes portant sur « la presse indépendante ». Coïncidence ?