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Affaire Ophélie Meunier : les médias au secours du journalisme

Le 23 janvier dernier, la chaîne de télévision M6 diffusait un reportage sur l’islamisme en France. La présentatrice, Ophélie Meunier, a par la suite été la cible de menaces de mort. Retour sur une affaire qui a fait réagir le monde journalistique.

Journaliste et présentatrice de la chaîne M6, Ophélie Meunier a dû être placée sous protection policière après la diffusion du documentaire de « Zone Interdite » intitulé « Face au danger de l’islam radical, comment l’État défend la République ». Ces menaces l’ont conduite à déposer plainte. Chose également faite par Amine Elbahi, juriste originaire de Roubaix, qui avait témoigné dans le reportage en dénonçant la montée de l’islamisme et avait été menacé comme Ophélie Meunier. Il avait par la suite déclaré à l’AFP ceci : « Ce que j’ai dit dérange. Je dois avoir visé juste au regard des menaces ». Le parquet de Paris avait annoncé l’ouverture d’une enquête à la suite de ces menaces de mort.

Après s’être écartée des projecteurs pendant quelques semaines après la diffusion, elle est réapparue sur le plateau TV de Quotidien le 16 février, où elle a reçu le « Q d’Or 2022 du magazine TV » par l’équipe du média. Cette récompense, elle l’a obtenue pour avoir défendu « le droit à la liberté d’informer » à la suite de la diffusion du reportage. Cette liberté d’informer a également été défendue par de nombreux médias français à la suite de cette affaire.

Attention aux récupérations politiques

Ce reportage montrait quelques exemples mettant en lumière la montée de l’islamisme. C’est notamment le cas de la vente de poupées sans visage dans un magasin musulman à Roubaix, des enseignements coraniques non autorisés par les autorités dans la même ville ou encore des petites filles voilées séparées des garçons dans une école privée à Marseille. Pour certains, cette description représente bien l’alarmante montée de l’islamisme en France, mais pour d’autres, ce n’est qu’une stigmatisation des musulmans et se détache de la réalité. Une division, instrumentalisée par les deux bords, qu’Ophélie Meunier n’a pas hésité à souligner tout en défendant le métier de journaliste. « On ne doit pas être coincés entre l’extrême droite qui s’approprie totalement le sujet et des islamistes radicaux qui nous empêchent carrément d’en parler. Nous, journalistes, notre boulot, c’est de parler des sujets le plus factuellement possible sans idéologie. Et c’est ce qu’on a fait » déclarait-elle sur le plateau de Quotidien le 16 février 2022. Le journalisme doit se baser sur la neutralité et les faits.  

La peur ne doit pas gagner

Le cas d’Ophélie Meunier n’est pas un cas isolé. En novembre 2021, Christine Kelly, journaliste à Valeurs Actuelles, disait avoir été menacée de décapitation. Toujours en novembre 2021, même scène : des journalistes de StreetPress menacés de mort par un groupuscule d’extrême droite après une enquête sur les soutiens armés d’Éric Zemmour. Ces exemples sont des preuves que, même en France en 2022, les journalistes ne sont pas totalement libres d’informer. Bien que la liberté d’expression soit un fondement de notre République, existe-t-il vraiment si elle met notre vie en danger ? « Il ne faut pas se censurer et j’espère que personne ne le fera. Si ce n’est pas nous, j’espère que d’autres chaînes s’empareront du sujet de cette manière, factuellement et sans idéologie » déclarait également Ophélie Meunier après l’affaire. Le journalisme ne doit pas tomber dans l’autocensure.

Vives réactions du monde journalistique

Les soutiens de la part d’autres médias n’ont pas manqué : le Figaro, BFMTV, CNews, l’AFP ou encore Mediapart ont tous réagi aux menaces de mort reçu par Ophélie Meunier. Le directeur de l’information de France Télévisions, Laurent Guimier, rappelait sur Twitter « qu’informer fait partie des libertés fondamentales de notre démocratie ».

C’est également le cas de Zineb El Rhazoui, ancienne journaliste de Charlie Hebdo : « On est maintenant un petit club de personnes sous protection policière pour les mêmes raisons. Pour ma part, ça fait sept ans ». Le Monde y avait notamment consacré un éditorial, le 1 février, dans lequel le quotidien mettait en avant le danger que ces menaces font peser sur la liberté d’expression et d’information ». Il ajoute que « Sur l’islam comme sur toute autre religion, ces libertés n’ont pour limite que les lois pénales qui répriment l’injure, la diffamation, l’appel à la haine ou à la discrimination ».

« Il faut défendre Ophélie Meunier, sans ergoter et il ne peut y avoir aucune réserve à cette adhésion pleine et entière à la liberté de l’information. […] Ce qui n’empêche évidemment pas de critiquer les thèses ou les méthodes de ces confrères, s’il y a lieu. Mais cela ne peut être que second ».

Luc Le Vaillant, journaliste à Libération

Les méthodes utilisées pour réaliser ce reportage avaient été remises en cause. Des musulmans auraient été contactés afin de parler de la laïcité mais pas de l’islam radical. Malgré ces méthodes douteuses, le monde du journalisme n’a pas oublié de dénoncer les menaces de mort et de défendre la liberté d’informer. Bien que ces méthodes aient été remises en cause, l’avocat de la société de production Tony Comiti, Richard Malka, souligne que « personne ne conteste, je crois, qu’il y ait eu ces poupées sans visage dans les magasins […], qu’il y ait eu ces écoles où on voile les petites filles ». « On est dans le déni du réel » ajoute-t-il. Méthodes controversées mais faits avérés. N’est-ce pas cela l’objectif du journalisme, dire les faits ?

Maryann Jaffrès
Maryann Jaffrès
Co-fondatrice, secrétaire de rédaction et cheffe de rubrique "International".

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