Back

Rivarol, au ban du journalisme

L’hebdomadaire Rivarol antisémite et négationniste vient de perdre ses aides à la presse. Comment ce journal condamné à de maintes reprises a-t-il pu en bénéficier aussi longtemps ?

En 2016, le rédacteur en chef de Rivarol Jérôme Bourbon annonce sur YouTube le banquet du 65eme anniversaire de son titre.

Pour Rivarol, c’est (presque) finito… C’est par un tweet que le site Conspiracy Watch, observatoire du conspirationnisme et des théories du complot, a annoncé que la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a retiré l’agrément de l’hebdomadaire Rivarol. En bref, le titre se voit retirer toute forme de « financement public direct et indirect », précise Conspiracy Watch. Cet agrément permet aux titres de presse de bénéficier d’un taux de TVA réduit ou encore d’un accès aux aides à la presse disposées par l’État. Autre avantage, l’agrément permet aux titres un privilège dans sa diffusion auprès des relais de presse. La présence des exemplaires de Rivarol chez les buralistes ou dans les gares, aux côtés du Monde, de L’Obs, ou encore de J’aime lire était encore la règle jusqu’à ce jour.

Ce qui a fait sombrer Rivarol, c’est une tribune publiée par le Monde le 7 mars 2022. Titrée « Notre pays accorde des facilités à “Rivarol”, hebdomadaire le plus raciste, le plus antisémite et le plus négationniste qui soit », elle était signée par des historiens ainsi que par Beate et Serge Klarsfeld, « traqueurs de nazis ». L’année précédente, les activistes de Sleeping Giants, qui militent contre le financement de sites et titres de presse d’extrême-droite par le partenariat publicitaire, avaient déjà lancé une action contre l’hebdomadaire. Leur but était déjà d’interpeller le CPPAP pour leur retirer leur agrément.

Un retrait tardif pour un hebdomadaire multi-condamné

Rivarol fêtait en 2016 son soixante-cinquième anniversaire. Pour l’occasion, l’équipe du Petit Journal s’était rendu au banquet organisé pour la célébration. Le reportage a beaucoup fait parlé de lui sur Internet et nous permet de nous faire une idée de ce que l’hebdomadaire défend.

Fondé en 1951 par l’avocat René Malliavin, pétainiste convaincu, militant contre l’épuration d’après-guerre et pour l’amnistie des personnes accusées de collaboration, le journal doit son nom à Antoine de Rivarol, écrivain et polémiste opposé à la Révolution française mort en exil à Berlin. Défini comme un « hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne », Rivarol est dirigé par Malliavin jusqu’à sa mort en 1970. Parmi les collaborateurs (sans mauvais jeu de mots), on retrouve des noms familiers pour l’historien de l’Occupation. On retrouve Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives du gouvernement de Vichy, mais aussi Lucien Rebatet, pamphlétaire antisémite favorable à l’Allemagne nazie – Rebatet a aussi tenu une chronique sur le cinéma dans Valeurs Actuelles. Autre nom, François Brigneau, ancien milicien.

L’extrême-droite représentée par Rivarol n’a jamais cessé de défendre l’antisémitisme, et ce, sans détour. Les personnes qui y travaillent ne s’en cachent même pas. L’exemple le plus parlant, c’est son directeur de publication depuis 2010, Jérôme Bourbon. Originaire de l’Ain, Bourbon est encarté au FN depuis ses 14 ans. Professeur de français au lycée, une pétition demande sa démission et il finit par quitter l’éducation nationale de lui-même pour se consacrer uniquement à la politique. Il devient pigiste à Rivarol en 1999 pour en devenir le directeur de publication en 2010. Sa ligne ? Bourbon est anti-Marine Le Pen, pas assez extrême à son goût. Bourbon s’isole à cause de son radicalisme. L’ancienne directrice de publication Camille Galic quitte le journal. Aujourd’hui, Bourbon écrirait un tiers des articles au total.

C’est surtout avec le profil de Jérôme Bourbon que Rivarol sort de l’ombre. Le directeur de rédaction accumule les condamnations, une quinzaine à ce jour. Il est condamné une première fois pour avoir publié en 2005 un entretien avec son idole Jean-Marie Le Pen dans lequel se dernier, se croyant « en off », déclare que l’occupation allemande n’aurait pas été « particulièrement inhumaine ». Depuis, il a été condamné en 2014 pour avoir publié un article contre la « tyrannie juive ». En 2016, c’est son heure de gloire puisqu’il est jugé pour des tweets antisémites et négationnistes. Sa dernière condamnation date de décembre 2021. Il a été cette fois-ci condamné pour des propos prononcés sur une vidéo de la chaîne YouTube du journal. Il estimait que Philippe Pétain « s’est toujours opposé à ce qu’il y ait la moindre persécution ou atteinte quelconque aux juifs français ».

Le soutien de la CCPAP était, à l’aune de ces condamnations, une anomalie évidente. Le fait qu’un journal négationniste ait pu bénéficier des aides à la presse, et ce malgré l’étalage assumé de ces croyances morbides, reste un mystère …

Ferdinand Chenot
Ferdinand Chenot
Co-fondateur, rédacteur et ancien membre de l'association et chef de rubrique (2021-2022). Carolomacérien de naissance, lillois d'adoption. Licencié d'histoire à Lille. Étudiant à la FLSH de l'UCL. Gardien de la paix, avant tout.

Ce site web stocke des cookies sur votre ordinateur. Politique de confidentialité