Le 15 février, le monde des médias est secoué. Le présentateur star des nuits de BFMTV, Rachid M’Barki, est accusé d’avoir diffusé des informations pro-russes sur commande de l’agence « Team Jorge ». Cette affaire révélée par le consortium international de journalistes « Forbidden stories » nous en apprend plus sur les failles mais aussi les forces des médias.
Au commencement, il y a une équipe de désinformateurs professionnels liée à une agence privée israélienne, non liée au gouvernement du pays. Une entreprise cachée qui fait des profits sur la diffusion d’informations mensongères, sur le détournement de scrutins et sur le discrédit de personnalités publiques. Le tout, partagé par des bots créés et gérés par l’entreprise. L’agence affirme avoir pesé sur 33 scrutins dont 27 auraient été couronnés de succès, sans que cette information n’ait pu être vérifiée par l’association de journalistes.
Une faille dans le fonctionnement des médias
Globalement, peu de médias sérieux sont tombés dans le panneau des bots de la « Team Jorge ». Les partages restaient grossiers avec de faux comptes Twitter qui reprennaient tous la même structure de compte et likaient les mêmes informations. Comme indiqué par Le Monde dans le chat ouvert aux lecteurs après la diffusion des révélations, “tous les grands médias ont des procédures [se] prémunir [des ingérences] , à commencer par la validation d’un rédacteur en chef.”
Contrôles efficaces, mais pas infaillibles. Et BFMTV en a fait les frais. Rachid M’Barki, présentateur des programmes de la nuit, profitait d’un créneau tardif de diffusion sur la chaîne d’infos en continu pour relayer des informations pro-russes non-sourcées et dont la véracité n’avait pas été vérifiée avant le passage à l’antenne. Les contenus de ses rubriques n’avaient pas été validées par la rédaction en chef, et même leur contenu après coup a échappé à la vigilance des chefs de la 15.
La chaîne mène en ce moment-même un audit interne. Les conclusions n’ont pas encore été rendues mais selon Le Monde, les premières pistes indiqueraient que le « présentateur aurait agi seul en profitant de moments « de creux » pour échapper à la vigilance de la hiérarchie de la rédaction. »
Une influence qui dépasse les ondes de BFM. Le député écologiste Hubert Julien-Laferrière aurait lui aussi servi de passeur d’influence pour le compte des mercenaires de la désinformation, en passant par M’Barki. Il aurait déposé, selon Libération, une question au gouvernement pour promouvoir une cryptomonnaie, le limocoin, développé par une société camerounaise.
Une affaire révélée par un consortium de journalistes
Si cette agence a pu voir son existence révélée au grand jour, c’est grâce à un groupe de journalistes issus de différents médias comme Le Monde, Radio France mais aussi des médias étrangers comme le quotidien israélien Haaretz. Trente médias étaient réunis pour cette enquête d’ampleur au sein de l’association de journalistes d’investigation « Forbidden stories ». Selon leur site internet, « Forbidden Stories offre aux journalistes du monde entier la possibilité de protéger leur travail et s’assurer que leurs enquêtes soient terminées et publiées dans le cas où ils ne seraient plus en mesure de le faire eux-mêmes. »
Et c’est là que l’affaire « Team Jorge » montre en quoi les médias jouent leur rôle dans la société : enquêter sur les menaces qui pèsent sur la si fragile démocratie dont le droit à l’information est la pierre angulaire.