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La Hulotte, « journal le plus lu dans les terriers », fête ses 50 ans !

Créée par un instituteur ardennais en 1972, la revue de vulgarisation naturaliste fête son cinquantenaire. L’« irrégulomadaire » est devenu une véritable institution de la culture populaire des Ardennes.

Le centième numéro de La Hulotte (Novembre 2013).

Cela pourrait surprendre les jeunes générations mais la préservation de la faune et de la flore n’a pas toujours été un sujet de premier plan qui mobilisait la population comme c’est le cas aujourd’hui. Au début des années 1970, point de manifestations pour le climat, point de partis écologistes, point d’ONG influentes pour défendre l’environnement. L’aube du mouvement écologiste vient à peine de poindre : au sortir du bouleversement social et politique qu’a été Mai 68, des mouvements peu structurés commencent à s’organiser pour placer la défense de la nature sur le piédestal on ne peut plus sérieux du débat public. Il en a fallu du temps pour que les écologistes se structurent en mouvements politiques, associations et autres « think tanks ». Entre temps, il fallait convaincre de l’importance de la protection de la nature. Et pour convaincre, rien de mieux que de publier des journaux, des revues, même à petite échelle.

L’histoire de La Hulotte est indissociable de celle de son créateur. Pierre Déom, instituteur ardennais, passionné de la faune et de la flore de sa région, fonde la revue en 1972 avec sa classe de l’école de Rubécourt, petit village près de Sedan. Déom quitte rapidement l’enseignement pour se consacrer exclusivement à la création de la publication. La Hulotte dépasse rapidement les limites des murs de la classe : l’inspectrice d’académie Geneviève Robida finance la diffusion de la revue dans toutes les écoles ardennaises. Le cadre scolaire est définitivement débordé lorsque Pierre Déom réalise que son journal a reçu 800 abonnements en à peine quatre mois. En 1974, La Hulotte des Ardennes devient La Hulotte, la petite revue se vend désormais dans toute la France. Au fur et à mesure que la publication gagne en notoriété, et ce grâce au bouche-à-oreille, le travail devient plus complexe pour Pierre Déom qui reste à ce jour l’unique auteur et illustrateur du titre – chaque numéro lui demande plus de 1000 heures de travail. Ce qui était alors un mensuel finit par se publier quatre fois par an puis passe à la parution semestrielle, donc deux fois par an. On estime la diffusion de la Hulotte à 150.000 (chiffres de 2013), c’est le nombre d’abonnés car l’abonnement est le seul moyen de se procurer le titre. C’est d’ailleurs un avantage financier puisqu’il n’y a pas d’invendus.

Le contenu de La Hulotte est particulièrement riche : plus de vingt ans avant C’est pas sorcier, Déom comprend que le savoir ne se diffuse pas facilement sans humour, sans illustrations, schémas et anecdotes. La faune et la flore de France se trouvent exposées dans quarante pages dessinées. Le dessin n’était pas un choix en 1972 : les photos en noir et blanc, reproduites sur ronéo, auraient été de mauvaise qualité. Il y a deux types de dessins : le premier est le dessin de type naturaliste qui représente de façon fidèle les animaux et plantes à l’encre de chine. L’autre type de dessin a fait la réputation du titre en matière d’accessibilité : il s’agit du dessin humoristique de petits personnages, mascottes de la revue. Celui qui a le plus marqué l’auteur de ces lignes, c’est sans-doute M. Viscoglut qui est … une branche de gui ! L’icône la plus connue c’est bien entendu la hulotte, anthropomorphe elle-aussi. Il y a aussi un humain, un petit garçon nommé Adrien Desfossés, inspiré d’un élève de Pierre Déom.

La Hulotte, ce n’est pas juste de la vulgarisation scientifique mais aussi de l’éducation populaire : dans le sillon des premières publications se trouvent les CPN, les clubs « Connaître et protéger la nature ». Ces clubs apparaissent dès 1972, en même temps que le journal. Des enfants et adolescents se regroupent autour de la Hulotte et Déom finit par fournir à ces CPN leur propre bulletin de liaison, La Gazette des terriers. Ces jeunes et moins jeunes s’auto-organisent au sein d’une MJC ou d’un centre de loisirs pour découvrir la nature environnante via des actions de sensibilisation et d’étude en campagne. En 1983 est créée la FCPN, la Fédération nationale des clubs CPN. Aujourd’hui, même les familles peuvent devenir des « familles CPN » ! Derrière La Hulotte, il n’y a donc pas juste un ex-instituteur passionné mais bien une communauté entière mobilisée pour la nature. Comme le disait sur France Culture Jean Dorst, ornithologue et ancien directeur du Muséum national d’histoire naturelle, on apprend dans La Hulotte « plus que dans de pesants traités ».

Ferdinand Chenot
Ferdinand Chenot
Co-fondateur, rédacteur et ancien membre de l'association et chef de rubrique (2021-2022). Carolomacérien de naissance, lillois d'adoption. Licencié d'histoire à Lille. Étudiant à la FLSH de l'UCL. Gardien de la paix, avant tout.

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