Le dimanche 9 octobre, la région des Hauts-de-France était la plus touchée par la pénurie d’essence, avec presque 55% des stations-service manquant d’approvisionnement. Entre remise et grève, les médias n’ont cessé de décrire des scènes exceptionnelles de stations-service prises d’assaut.
Europe 1 : « Avec 50 centimes de remise à la pompe, les stations Total prises d’assaut ». Auto Plus : « De nombreuses stations Total en rupture de stock à cause de la double remise ». Auto-Moto: « Succès Total pour la remise de 20 centimes ! » Ouest-France : « Pagaille depuis le 1er septembre ». BFMTV : « La remise de 20 centimes fait bondir de 40% la fréquentation des stations TotalEnergies »… Les médias deviennent bruyants suite à la remise exceptionnelle de TotalEnergies. Le 1er septembre dernier, le groupe pétrolier annonçait une remise de 20 centimes d’euros par litre de carburant. Une ristourne qui s’ajoutait aux 30 centimes du gouvernement. Résultat : une remise de 50 centimes était proposée chez TotalEnergies et, rapidement, de longues files d’automobilistes sont apparues dans les stations-service.
Les médias commentent ce phénomène. Les témoignages d’usagers se multiplient, les reporters se rendent dans les stations essence pour constater des ruptures de stock. Le 16 septembre, le correspondant BFMTV Lionel Top informait à ses téléspectateurs à quel point « c’est très compliqué de trouver de l’essence globalement dans la métropole lilloise ». Les litres d’essence s’écoulent en quelques jours, tout comme les nouvelles livraisons. Sur les réseaux sociaux, des images inédites de longues files d’attente sont repartagées par les médias. Dehors, c’est la panique. Et ce n’est que le début.
Grève et « panique »
Les stations-service françaises tournent d’autant plus au ralenti depuis le début d’une grève dans les raffineries. Si les autorités ont prévenu qu’il ne s’agissait pas d’une situation de pénurie « mais bien de difficultés de distribution », les médias, eux, faisaient bien le point sur une « pénurie » de carburant. Partout, on demande aux usagers d’éviter de procéder à des stockages de précaution, ce qui aurait pour seul effet d’empirer la situation. Trop tard.
Une fois la grève annoncée, les médias mettent l’accent sur les difficultés qui pourraient touchées les stations-service, déjà bien impactées par la remise. Du côté de France 3 Provence-Alpes Côte d’Azur, on évoque une « panique » suite à l’annonce des mouvements de grève : « Première conséquence : la pénurie dans certaines stations car des automobilistes se sont rués ces derniers jours pour faire le plein ». Chez BFM TV, on parle d’un mouvement social qui « menace de perturber l’approvisionnement des stations-service en carburant ». Le Journal du Dimanche écrit qu’« un retour à la normale n’est pas envisagé avant la semaine prochaine ». « Pas de panique » demandait le président Emmanuel Macron aux Français lors d’une conférence de presse au terme du sommet européen de Prague. Cependant, la panique est déjà bien installée depuis plusieurs semaines.
Une information qui déclenche la ruée
Si les médias ne sont pas 100% responsables de la réaction des usagers, ils ont toujours réussi à être un déclencheur chez les Français. On se rappelle de mars 2020, début du confinement en France. À son annonce, les médias filmaient une ruée vers les supermarchés. Une pénurie de certaines denrées s’est alors créée, notamment pour les pâtes et le papier toilette. Et pourtant, malgré le contexte de pandémie, aucune pénurie n’était à craindre. Les médias se sont nourries de cette panique tout en continuant de l’enflammer. Encore récemment, Le Parisien publiait un édito « Vivre avec les pénuries ». Doit-on réellement vivre avec les pénuries ou doit-on arrêter de les animer ?
Depuis la pandémie, les Français jugent sévèrement le traitement médiatique de certains sujets. L’institut Viavoice avait réalisé en septembre 2020 un sondage où 60% des Français affirmaient que les médias avaient tendance à accorder une place trop importante à un sujet en particulier. À l’époque, il s’agissait de la pandémie. Aujourd’hui, il s’agit de la guerre en Ukraine et de la pénurie d’essence. Cette tendance a tout simplement fait grandir ce sentiment anxiogène amplifié par les médias. Les journalistes ont la responsabilité d’informer. Parfois, l’information prend trop de place et déclenche la ruée – notamment vers les stations-service.