Il ne peut se dérouler un débat sur le thème de l’écologie sans que le thème du nucléaire soit fatalement abordé. La place de ce débat est-elle justifiée par l’intérêt stratégique de cette énergie ou par son extrême dangerosité ? Les inquiétudes face à un risque facilement perceptible auraient elles pris le dessus dans la couverture médiatique des débats ?
« Le débat sur le nucléaire est plus idéologique que purement technique » confiait Jean-Marc Jancovici à nos confrères de L’inspiration politique. La question du positionnement sur l’atome devient vite centrale quand les candidats à la présidentielle sont interrogés sur leur politique énergétique.
Le débat sur le nucléaire est très médiatisé parce qu’il concerne beaucoup les citoyens. Les centrales sont une source de préoccupation pour 42% des Français en 2021 selon une enquête Baromètre IRSN. Si les médias ont presque tous leur article-type « La position des candidats à la présidentielle sur le nucléaire », c’est que c’est lu car il y a un besoin de renseignements sur ce sujet. « Pro ou antinucléaire », c’est un critère de vote. Le sujet attise les passions car il provoque la peur.
Continuité du clivage gauche-droite
Le débat sur le nucléaire reprend le clivage traditionnel entre la gauche et la droite. Pour Alicia Bassière, doctorante en économie spécialiste du marché de l’électricité, « La gauche française défend une production locale, « sûre » pour les citoyens, bien que les déchets se trouvent ailleurs, avec une technologie tournée vers l’avenir et le progrès dans l’imaginaire collectif. » De l’autre côté, « la droite défend le nucléaire comme symbole de la grandeur française passée, une gestion de l’état fort. »
Il n’existe pas de « Stop au charbon »
Jean-Marc Jancovici. (NDLR. Le charbon contribue massivement au dérèglement climatique mais il n’y a pas d’association qui lutte uniquement contre cette énergie à la différence du nucléaire.)
Jean-Marc Jancovici dénonçait au micro d’Arte que les médias ont tendance à relayer cette peur qui prend la forme d’un « fantasme » alors que son rôle serait de relayer les faits sur les risques encourus par la fission nucléaire. Les faits et les opinions tendent à être confondues sur la question du nucléaire d’après l’ingénieur. Les risques liés à l’utilisation du charbon ne sont jamais dénoncés avec autant de vigueur que ceux du nucléaire alors que cette énergie participe très activement au réchauffement climatique qui pourrait tuer des millions de personnes. « Il n’existe pourtant pas de « Stop au charbon ».
Le nucléaire, symbole des technologies qui nous dépassent
Cette méconnaissance vient du fait que nous vivons dans un monde où la plupart des technologies qui nous utilisons au quotidien, de l’ordinateur sur lequel vous lisez cet article jusqu’à la voiture qui nous amène au travail, nous échappent. Personne ne sait précisément le fonctionnement de chacune des technologies présentent dans sa maison. Cela inclue le nucléaire qui alimente nos ampoules. Il est associé aux traumatismes des bombes atomiques lâchées sur le Japon lors de la Seconde Guerre Mondiale, à celui de la menace nucléaire de la Guerre froide et des accidents de Tchernobyl et de Fukushima. Cette méconnaissance n’épargne pas les journalistes qui ont pour la plupart une formation littéraire. Le nucléaire fait peur donc on en parle.