Musique, édition, audiovisuel… le groupe de Vincent Bolloré ne s’arrête plus. Vivendi, dont Bolloré possède la majorité des parts, a racheté Prisma Media, le numéro un de la presse magazine en France. Géo, Gala, Voici, Femme actuelle… Ils sont dorénavant ses nouvelles propriétés.
« L’acquisition de Prisma Media, numéro un de la presse magazine en France » est achevée depuis le 31 mai 2021. À la clé, le rachat de 100% de la plus grande entreprise spécialisée dans la presse française par le groupe de Vincent Bolloré. Pour Prisma Media, il s’agit dorénavant de se contraindre à « ses activités existantes ». Les derniers chiffres en illustrent les conséquences : 61 journalistes ont quitté Prisma Media depuis son rachat.
Retour en décembre 2020. Coup de théâtre chez Prisma Media. Les élus du groupe de presse ont eu la surprise d’apprendre que le spécialiste des médias et de la communication – Vivendi – s’apprêtait à racheter leur filiale. Parmi leurs possessions : Géo, Femme Actuelle, Capital, Gala, Voici…. Dès le début des négociations, une seule finalité était envisagée : conclure l’affaire « au plus tôt le 31 mars [2021] », sans débat. « Ils en parlaient comme si c’était fait » témoignait un journaliste ayant assisté à la communication interne. Pour lui, l’émotion de Rolf Heinz, l’actuel président de Prisma Media, était palpable.
Pour Vivendi, dont 28,9% des parts appartiennent à Vincent Bolloré – c’est-à-dire la majorité -, « cette acquisition s’inscrirait parfaitement dans la stratégie de Vivendi […] en complétant utilement le spectre de ses activités existantes ». Selon une source interne, « disposer d’un portefeuille de marques de la presse magazine permettrait au groupe de développer de nouvelles collaborations » après « la musique avec Universal, l’audiovisuel avec Canal+, le cinéma avec Studiocanal, les jeux vidéo avec Gameloft, l’édition avec Editis, la publicité avec Havas ». L’empire bollorien s’agrandit, au détriment des journalistes.
L’avenir incertains des journalistes…
Les possessions de Prisma Media ont toujours paru irrésistibles pour Vivendi. Avec des magazines comme Télé Loisirs, Ça m’intéresse, Gala, Géo,mais également Genside et Ohmymag, la filiale se vantait d’être le « numéro un de la presse magazine, de la vidéo en ligne et de l’audience quotidienne digitale » en comptant les « plus de 42 millions de Français en contact chaque mois avec une marque du groupe ».
Cette acquisition ne fait pas l’unanimité du côté des journalistes. L’un d’eux, souhaitant rester anonyme, s’est confié au Monde : « On a été habitués à une indépendance éditoriale forte. Or, on ne peut que constater la manière dont Vincent Bolloré s’ingère dans ses médias et censure des sujets avec la brutalité qu’on connaît ». Pour la déléguée syndicale de SNJ, Carine Mayo, « on peut aussi s’interroger sur la liberté qu’auront les titres télé ». Une peur est palpable, celle de perdre « l’indépendance des journalistes, la liberté de l’information, mais aussi sa diversité ».
Le chiffre s’est confirmé ce lundi 17 janvier. Prisma Media confirme à l’AFP que 61 journalistes ont quitté le groupe, dont 21 pigistes. Emmanuel Vire, secrétaire général du syndicat SNJ-CGT et journaliste à Géo, justifie ces départs lors d’une audition au Sénat : « Quand vous changez d’actionnaire, quand vous êtes journaliste, vous avez la possibilité de prendre la clause de cession, c’est-à-dire de quitter l’entreprise avec vos indemnités conventionnelles. Résultat à Prisma Media, nous avions 400 cartes de presse, là nous sommes déjà à 60 départs ». Il spécule 140 départs sur le long terme, qui pourraient s’expliquer par une peur « d’une ‘zemmourisation’, d’une droitisation » ainsi que par la crainte « d’une dégradation de leurs conditions de travail ».
…et un renouveau pour les magazines
De toutes nouvelles formes pour les magazines de Prisma Media sont en cours de développement. Géo, le mensuel présent dans les kiosques et sur le web, pourrait se décliner sur la chaîne Planète sous forme de documentaire. Depuis le rachat officiel du groupe, un « renforcement des synergies » s’est créé. Emmanuel Vire informe qu’une omniprésence de Canal+ dans les magazines télé de Prisma Media sera de mise. Les journalistes seront invités à parler davantage de Canal+ et de ses émissions.
Pour Capital, le tournant s’annonce bancal. « Va-t-il continuer à parler des activités de Vivendi et de Bolloré ? Ce que l’on observe depuis le mois de juin, c’est qu’il n’y a plus rien dans Capital ». L’indépendance éditoriale du magazine économique maintenant considérée comme en danger. Les journalistes et internautes se rappellent en effet d’un portrait de l’homme d’affaires breton publié en 2016 sur Capital.fr : « Vincent Bolloré ou l’art de tuer avec le sourire ».